L'équipe du Cheeta
Garder le coeur de l'élève vivant
"Qu'est-ce que je dois faire quand on m’attrape comme cela ?"
Force est de reconnaitre que ces dernières années se multiplient les méthodes de self défense dont l’impressionnante variété n'a d'égal que la diversité de leurs influences.
Dans la plupart des cours auxquels j'ai pu assister, l'accent était généralement mis sur un ensemble d'habilités motrices associant un stimuli à une réponse conditionnée au fur et à mesure des années et des répétitions. Dans ce cas présent : un coup de poing à la tête va avoir comme réponse une esquive donnée, qui va être répété encore et encore, jusqu’à un certain automatisme.
Les Kihon et drills sont censés modifier en profondeur les habitudes de mouvements.
Un de mes amis professeurs d'aikido parle d'ailleurs de "changer la manière de se mouvoir du corps". Ce type de modification corporelle procure à l’adepte la capacité de se mouvoir depuis le soi ou le centre et non depuis la périphérie ou l’extérieur, ce qui raccourcit considérablement le temps nécessaire pour effectuer un mouvement donné.
Apres une quinzaine d'année de pratique au sein d'une ko ryu et plusieurs séjours au japon je pense pouvoir me faire une petite idée de ce qu’implique la "modification de l'usage du corps".
En fait cette notion me gêne sur bien des points, je n'en aborderais qu'un seul ici.
La modification de l'usage du corps selon les ko ryu implique comme une séparation nette entre deux mondes, celui du corps modifié et celui du corps non modifié.
Cela peut être exact pour quelques points, et il m'est arrivé bien des fois d'employer l'expression "dans le monde des ko ryu ce type de mouvements est trop lent ou trop visible".

Il est vrai que la pratique des armes, et notamment du sabre, permet de ressentir pleinement cette différence d'espace-temps ou tout a lieu en une fraction de seconde et où l'usage même d'un type de déplacement en "vague" (comme au systema) est impensable...
Si l'on est tatillon, on pourra observer que tout apprentissage constitue en soi une "modification de l'usage du corps" et qu'en ce domaine il ne s'agit pas de deux cases étanches corps modifié/corps non modifié mais d'un continuum...
Chaque entrainement modifie ainsi notre façon de nous mouvoir.
Cependant je suis revenu sur cette conception de l'art martial était essentiellement basée sur la recherche d'habilité physique, même si, d'un certain point de vue, elle reste totalement valable...Dans un cadre donné (ce que précise mon ami par ailleurs).
Malheureusement la subtilité des cadres de références échappe souvent au grand public et spécialement aux jeunes gens...Deux catégories de personnes susceptibles de pousser les portes d'un dojo...L'esprit empli de représentations hollywoodiennes et de rêves "d’efficacité".
La plupart considèrent ainsi que l'assiduité et la répétition suffiront à obtenir le Graal de cette efficacité (quand il ne s'agit pas d'une simple ceinture) : il n'en est rien.
Bien sur un minimum de répétition est nécessaire pour engrammer les gestes dans le système nerveux mais mes expériences de combattant m'ont amenées à constater que les gestes décisifs ne sont que rarement les gestes maintes et maintes fois répétés...
Entendons-nous bien, il n'est pas question ici de dévaloriser l'entrainement régulier et de prétendre que l'on est plus redoutable installé dans son canapé...Simplement la répétition n'est que le B.A BA de la pratique...Et c'est hélas ce qui est enseigné dans 90% des clubs où j'ai eu l'occasion de visiter au cours de mon quart de siècle de pratique martiale.
Au cheeta martial arts, dès les premiers mois, nous travaillons sur l'humain.
Sur les blocages psycho-affectifs qui empêchent les pratiquants d’être présents au moment.
Apres avoir cru à de nombreuses "idéologies martiales" sur les facteurs de l’efficacité telles que la répétition, la modification de l'usage du corps, la pratique régulière du combat, l'acquisition de qualité physiques etc...J'en suis venu aujourd'hui à comprendre les propos de certains adeptes du passé lorsqu'ils prétendaient que les grands maitres de thés ou d'autres arts avaient déjà la maitrise du sabre.
En effet, toute voie correctement pratiquée amène l'aspirant à un certain degré d'Etre, de présence à lui-même.
L'acquisition d'habilités techniques ou stratégiques doit être fait depuis ce point de présence à soi-même, autrement on battit sur du sable... Et une maison bâtie sur du sable peut sembler fort plaisante. Jusqu’au premier moment ou...
Néanmoins, ce type de travail demande du temps et une méthode.
Si certains doués semblent pouvoir passer outre, cela n'est pas notre cas et le cas d'aucune des personnes que nous avons jamais rencontré.
Dans une époque où seule compte l'apparence de la maison, nombre de personnes non averties ne sont pas équipées des moyens de discerner chez leur professeur la présence ou l’absence de ce type de transmission.
Lorsque j'ai réalisé cela, j'ai dû reprendre à zéro toute une partie de ma pratique bâtie sur du sable...Un de mes élèves avancés vécu il y a peu un processus similaire...Il ne s'agit pas simplement de survivre...Mais aussi de "qui a envie de survivre".
En la matière nombre de "méthodes" proposent certes l'acquisition de certaines capacités combattives mais entrainent également la hausse de l’agressivité ou de la peur au quotidien... Enseigner à un individu sans rien "tuer" en lui demande un savoir-faire et un avoir Etre qui dépassent largement la répétition technique...hors de notre point de vue c'est bien d’avantage "l'Etre" qui sauvera l’apprenant en situation que la répétition de psychodrames en pyjama sur un adversaire statique. Mais si ces psychodrames coupent petit à petit l'individu de son Etre en le recouvrant de grades, de sensations illusoires de sécurité, de croyances diverses sur ce qu'est un réel en changement permanent, alors comme le disait Kono Sensei "les arts martiaux sont dans une impasse".
En sortant de cette impasse par la voie de l'Etre (la porte Kokoro de l'école hakko), la pratique peut alors devenir un support pratique et non plus théorique à la réalisation.
P.S : Ce moi ci Le magasine Karaté Bushido publie simultanément une chronique de feu Henry Plée sur ce sujet ainsi que quelques pages en hommage à cet homme remarquable.
Nous souhaitions le signaler au lecteur et en profiter pour lui témoigner à Henry, à titre posthume, toute notre gratitude.