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  • Photo du rédacteurL'équipe du Cheeta

Rituel et soumission

Le systema, bien que connaissant un essor tout à fait palpable, demeure encore peu connu du grand public et il reste fréquent que les personnes venant s'y initier soit passées auparavant par différentes "chapelles" martiales plus ou moins asiatisantes.


L’absence de rituel et de codification apparente dans le systema saute rapidement aux yeux du novice : pas de salut, absence de formes, de katas, de tao, de lankas, pas de grades etc.

Travaillant en psychologie sociale depuis plus d'une décennie sur le conditionnement mental, l'hypnose et les conduites sectaires, c'est tout naturellement que l'étude des rituels martiaux attira mon attention. Je les ai principalement rencontrés dans l'aikido que j'ai pratiqué durant une dizaine d'année et dans certains ko ryu. Bien sûr, en plus de vingt ans de pratique martiale, j'eu l'occasion de les voir à l’œuvre dans de nombreuses autres disciplines... La plupart de ceux qui partagent avec moi cette expérience eurent l'occasion d'observer les conséquences humaines qu'entrainent la notion de grade et de programme technique. Qui n'a jamais entendu une réflexion de type "lui n'a pas mérité son 4 eme dan" C'est humain... Les grades constituent une pyramide qui peut "stimuler" les tensions égotiques des uns et des autres. Lorsque j'ai réalisé cela -  j'avais 21 ou 22 ans-  j'ai décidé de ne plus y accorder d'importance...Certains me furent remis malgré mon désintérêt et j'en déclinais également lors de voyages à l'étranger afin de ne pas rentrer dans le cercle du "ranking business" cher à certaines disciplines où il est de bon ton de passer un grade par an (moyennant espèces sonnantes et trébuchantes bien sur...la reconnaissance de papa a un prix).

Alors que les années passaient et que mes compétences en psychologie augmentaient, je fus de plus en plus capable de discerner l'immensité de l'agressivité passive contenu dans ce modus operanti...Je me mis progressivement à voir comment les "anciens" bizutaient les plus jeunes en sortant discrètement du cadre de l'exercice demandé (leur rendant impossible la réussite de ce dernier). Au fond de moi je restais perplexe : si le but de l'exercice est d'apprendre tel ou tel principe, quel sens cela a-t-il de sortir du cadre, qui plus est sans le signaler explicitement, et en laissant notre partenaire dans un état psychologique d'impuissance acquise ? Je me souviens avoir été dans cette position, sentant confusément que quelque chose ne "tournait pas rond" sans pouvoir, par manque de connaissance du cadre, mettre des mots dessus. En retournant la chose dans tous les sens l’hypothèse du rituel de soumission devenait évidente même si elle chatouillait mes illusions...D'autant que la chose était pratiquée par certains "Maitre" dont on me laissait entendre qu'ils étaient "au-dessus de cela". Douce naïveté juvénile !



C'est alors que je m'attelais à l'étude du conditionnement psychique du combattant. D'un univers en une dimension, j'allais découvrir les différences de cahier des charges dans l'entrainement d'un sportif de MMA, d'un civil, d'un soldat ou des professionnels de la sécurité (que j'ai formés pendant quelques temps). Dans tous ces contextes, les rituels de soumission sont généralement contre productifs car générateurs d'inhibition...






J'y vois au moins deux exceptions. Le soldat chez qui ces rituels peuvent constituer deux ressources puissantes, d'une part car cela ancre en lui une forme de respect de la hiérarchie et l'encourage à ne pas réfléchir. D’autre part car cela facilite par la suite l’exécution d'ordres provenant d'une hiérarchie verticale (input descendant). Que cela soit bien ou mal n'est ici pas la question : c'est ce que l'on demande à un soldat.


En outre l'inhibition progressive, la cognition diminue le risque de peur par excès de réflexion chère à la Medecine traditionnelle chinoise. Les brimades répétées visent à maintenir le combattant dans un état de morcellement psychique : d'un côté, officiellement, on lui demande de répéter "Sir Yes Sir" et de se soumettre en se reniant (et si il refuse de se renier, cela peut aller très loin jusqu'à ce que ce refoulement ait lieu), de l'autre sa hargne, sa haine, son ressentiment vis à vis de cette projection paternelle du "mauvais objet" lui servira de réserve d'énergie lorsqu'il pourra ainsi s'exorciser sur les "ennemis", ceux d'en face.

C'est ainsi que l'on conditionne les soldats depuis toujours...Stricto sensu cela fonctionne...Même si cela laisse des traces dans le psychisme, ce conditionnement n'étant absolument pas fait dans le respect de l'individu.

Dit autrement et clairement, ce type de combattants sont traités comme des mouchoirs jetables à un coup, ce qui peut être valable dans certains cadres mais ne constitue pas ce que nous souhaitons proposer au grand public et aux professionnels non militaires. Disons simplement qu'après une période prolongée et poussée de ce type d'entrainements, quelques "ajustements" lors du retour à la vie civile sont à prévoir... Dans le meilleur des cas. Pourtant ce types de rituels sont encore la norme dans nombres de salles d'arts martiaux "civils", assorties d'une totale incompréhension de ce qui se joue au niveau psycho-affectif; souvent la transmission se limite à une imitation sans compréhension... Comme dans toutes les familles dysfonctionnelles.

Les mythologies propagées par les films de kung fu des années 80 et au-delà n'aidant pas ceux-ci, n'étant généralement pas des références en matières de finesse de compréhension de la psyché. Malheureusement ils ont battis des images d’Epinal sur ce qu'est un "combattant" contribuant à amener nombre de pratiquants à privilégier l’efficacité en combat (Omoté) à l'Etre (Ura). Cela renvoie directement aux notion de Satsujinken/Katsujinken japonaises... Le passage à l'usage de l'art qui tue l'homme à celui qui le fait vivre...

Le deuxième cas dans lequel ce type de rituels de soumissions peuvent être utiles est dans le cadre purement éducatif avec des jeunes n'ayant eu que peu ou pas de présence paternelle.

Cela rejoint la dimension éducative des arts martiaux et nombre de pratiquants viennent y chercher cela ;  bien plus que des moyens de frapper efficacement une gorge ou un plexus. Il convient néanmoins, dans ces cas, d'être au clair sur nos motivations intérieures nous poussant à endosser ce rôle.

Il ne serait pas absurde de simplement renvoyer certains jeunes insuffisamment structurés et pouvant représenter un danger pour eux même, pour autrui et pour le groupe. Cela m'est encore arrivé cet année...A regret cependant. En effet, l'un des buts de la pratique reste également de faire de nous des hommes meilleurs capables de se mettre au service de la Vie. En la matière il fut pour moi salutaire de faire l’expérience de mes limites quand à ma capacité d'encadrement.

Cette impuissance commune au professeur comme au thérapeute ou au parent que la pratique nous rappelle quotidiennement et qui, bien que moins vendeuse que les "Soi idéaux" présentées dans les vidéos de promotions (que je n'exclue pas d'incarner à l'avenir N.B) et dans tout le jeu social (aspect Omoté),  reste plus proche de ce que nous Sommes réellement et du cœur de la pratique (Ura).



A ce niveau de compréhension le rituel ou l’absence de ce dernier ne fait plus sens,

l'Homme Est le Rituel.


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